1.Introduction
Si on dispose d'une "chandelle standard" , on connaît sa magnitude absolue. La comparaison avec la magnitude apparente observée permet de déterminer la distance de la source [m-M = 5 log(D/10) avec D en pc].
Les supernovae de type Ia pourraient constituer de tels objets.
La relation entre la distance et le décalage spectral (ou la magnitude et le redshift) n'est autre que la loi de Hubble pour les objets proches (H0D = cz).
Pour les objets lointains, cette relation dépend du modèle cosmologique retenu. Elle permet donc d'estimer les paramètres cosmologiques.
2.Les supernovae
Historique rapide
Deux précurseurs ont fait avancer la compréhension et la détection des SN : W. Baade et F. Zwicky au début du XXème siècle. Les découvertes se sont accélérées à partir de 1950.
La recherche et le suivi des SN donnent lieu à des programmes importants, avec une coordination mondiale comme par exemple le Supernovae Cosmology Project (SCP) de Berkeley et le High-Z Supernovae Search Team.
Désignation
Les supernovae sont désignées par :
SN + année + lettres (A…Z, aa, ab, ac…) Exemple : SN 1997 ed
Spectres et Classification
Type I : pas de raie H
Ia : Pas de raie He, mais des raies d’absorption Si, Ca, Mg au maximum de la courbe de lumière.
C’est un spectre de corps noir modulé par les absorptions des éléments éjectés.La largeur des raies témoigne de la vitesse
d’expansion (de l’ordre de 104km/s).Plus tard, les couches externes deviennent transparentes et des raies d’émission de Co, Fe, NI apparaissent , témoins de la composition du centre de l'ex étoile.
Type II :les raies H sont dominantes et présence de He.
Courbes de lumière
Augmentation rapide de la luminosité pendant une quinzaine de jours, décroissance rapide ensuite, avec réduction de la luminosité d’un facteur 100 en quelques mois. Pour les SNIa, la décroissance se fait en deux temps.
Les courbes de lumière diffèrent peu d'une SNIa à une autre
Les luminosités maximum sont de l’ordre de 2 109 LS
La magnitude absolue est de l’ordre de M = -19.3.
Fréquence
On attend environ 0.1 à 0.3 SN/siècle/1010 LS, de 1 à 3 par siècle dans la Voie Lactée.
On trouve des SN Ia dans les galaxies elliptiques et spirales ; on ne trouve les SN II que dans les disques des galaxies spirales car elles correspondent à des fins d'étoiles massives qui n'existent plus dans les galaxies elliptiques.
Méthode de recherche
On compare des clichés décalés dans le temps
On corrige les clichés :
recalage géométrique pour compenser les écarts de visée et les déplacements
recalage photométrique pour annuler les écarts de transparence de l’atmosphère et de luminosité du fond du ciel
recalage de ‘’seeing’’ pour corriger la variabilité des turbulences atmosphériques
suppression des objets lumineux parasites, genre satellites
La soustraction des deux images donne une image noire avec un point lumineux si l’on a saisi une SN. Il reste à observer précisément l’objet.
3.Le modèle de fonctionnement des SNIa
Le modèle adopté en général est celui de l’explosion d’une Naine Blanche qui appartient à un système binaire serré. Ces conditions peuvent se rencontrer dans les galaxies elliptiques et spirales
L’autre étoile, la plus légère a priori, évolue vers une géante rouge. Un flux de matière peut alors se déverser sur la NB via les lobes de Roche et la masse de la NB augmente.
En cas d’accumulation lente on peut avoir des phénomènes de novae.
En cas d’accumulation plus rapide, le centre de la NB peut atteindre la température critique d'allumage de la fusion du C et une combustion explosive se développe. La NB dispose de matériaux fissiles et, dans la matière dégénérée, la pression varie peu avec la température. Il n’y a donc que peu de rétroaction. La réaction s’emballe et l’étoile est complètement détruite.
Le cœur, formé de C et O essentiellement, fusionne en Si, qui fusionne à son tour en 56Ni (jusqu'à 0.7 Ms), qui va se désintégrer en 56Co, qui lui-même va se transformer en 56Fe.
Ces deux dernières désintégrations successives expliquent les deux pentes de la courbe de lumière : transformation en Co pendant 10 à 20 jours, en Fe ensuite.
Des éléments plus légers (Si, Ca, Mg) se forment dans les couches externes plus froides que le cœur.
D’où les raies d’absorption constatées dans un premier temps, suivies des raies d’émission de Co et de Fe lorsque les couches externes deviennent transparentes.
Les désintégrations du Ni et du Co émettent des e+ et des rayons g qui seront absorbés par les couches externes qui réémettent en visible.
L’énergie cinétique développée est de l’ordre de 1044 J, l’énergie lumineuse est 100 fois moindre. L'énergie de liaison de la NB est de l'ordre de 2 1043 J, ce qui explique l'explosion de l'étoile.
Scénarii alternatifs:
Dans des systèmes binaires serrés, coalescence de deux NB, ou NB accrétant de l'He qui fusionne et entraîne la réaction du carbone .
Exemples de spectres et courbe de lumière de SNIa
4.les SNIa comme "chandelles" standard
Les courbes de lumière sont voisines d’une SN Ia à l’autre. Les luminosités maximum diffèrent assez peu (de 20 à 30%).
Cette relative uniformité vient du fait qu’il s’agit toujours du même phénomène : l’explosion d’une naine blanche lorsqu’elle atteint la même masse critique.
La variabilité observée peut être due :
aux écarts de composition,
aux variations du lieu d’allumage (central ou plus ou moins excentré),
à l’absorption variable du milieu interstellaire.
On a inventé des méthodes pour améliorer la précision des courbes de lumière,
Aux grands redshifts, on ne peut plus observer aux mêmes longueurs d’onde que pour des SN proches. Là encore des méthodes de correction existent.
Correction D m15
Plus une SN Ia est lumineuse, plus sa luminosité décroît lentement. On a ainsi pu bâtir une loi empirique entre la magnitude absolue et la décroissance de la courbe de lumière
On mesure ainsi la variation de magnitude 15 jours après le maximum de lumière.
La précision est ainsi fortement améliorée et atteint 5 à 10%.
Tous ces travaux et les améliorations des instruments ont finalement permis d’utiliser les SN Ia comme sources lumineuses à peu près standards.
5.Quelques rappels théoriques
On se situe dans le modèle cosmologique de Friedmann-Robertson-Walker, c’est à dire dans un univers homogène et isotrope, statique ou non, où s'applique la Relativité Générale.
La métrique et l’équation d’Einstein permettent de trouver les équations de Friedmann . Pour un univers gouverné par la matière :
W M + W K + W L = 1
q = W M/2 - W L
· · W M = 8p Gr /3H2 = densité de matière/densité critique = r /r c
W K = -k/R2H2 = densité "de courbure"
W L = L /3H2 = densité "de constante cosmologique"
q = -RR’’/R’2 = paramètre de décélération
H = R’/R = "constante" de Hubble (valeur actuelle H0)
R(t) = paramètre d’échelle
k = -1, 0, 1 pour une géométrie hyperbolique, euclidienne, elliptique
Le Diagramme W M / W L
La droite W L = 1 - W M correspond à un univers "plat"(euclidien).
Au-dessus de la droite, W M+W L > 1 ® W K< 0 ® K> 0 ® univers "clos" à géométrie elliptique.
C’est l’inverse au-dessous de la droite, où l’univers est dit "ouvert" à géométrie hyperbolique.
La droite W L = W M /2 correspond à q = 0, c’est à dire à une vitesse d’expansion constante. Au-dessus de la droite avec q<0, l’expansion s’accélère ; elle se ralentit en dessous avec q>0.
Sur la courbe proche de W L = 0, l’univers tend vers un univers statique. Au-dessus l’expansion est continuelle. En dessous, il y a contraction après expansion.
Le diagramme de Hubble
On montre que l’écart entre la magnitude apparente et la magnitude absolue est une fonction du redshift z et des paramètres cosmologiques.
m – M = 5 log z + f(z, H0 , W M , W L )
On peut mesurer m et z, et choisir H0 à partir des observations à faible z.
Si l’on connaît M, on peut alors estimer les autres paramètres cosmologiques de manière à assurer la meilleure adéquation possible avec les observations.
6. Les résultats
1-Si W M > 0 (ce qui semble évident)
W L > 0 à plus de 99%
q0< 0 à plus de 99% ...........q0 = -1+- 0.4
2-Le modèle traditionnel:
W M = 1 et W L = 0 est exclu(W L = 0 ® W M< 0, ce qui est absurde).
3-Si W M + W L = 1 (univers "plat"), alors :
W M @ 0.30 +- 0.10
W L @ 0.70 +- 0.10
L’âge de l’univers serait de l’ordre de
14 +- 1.5 Gyr,
ce qui semble être cohérent avec les estimations de l’âge des plus vieux amas.
L'expansion aurait pris le dessus sur la gravité il y a 4 milliards d'années.
Ces résultats ont été publiés à partir de 1998 par les deux groupes cités précédemment (SCP et High-z SST). La qualité de leurs travaux est reconnue et d'autres approches ( amas de galaxie, lentilles gravitationnelles, etc.) sont venues conforter ces estimations.
Discussion
Plusieurs critiques ont été formulées à la suite de ces publications :
Les SN Ia observées à grand décalage sont-elles identiques aux SN plus proches, ou existe-t-il un effet d’évolution qui interdirait leur utilisation comme chandelles standard ? En particulier, les SNIa ne dépendraient-elles pas de la métallicité de la naine blanche d'origine ?
L’absorption par le milieu intergalactique ne pourrait-elle pas expliquer les magnitudes observées, tout en conservant une constante cosmologique nulle (cf "poussière grise")?
Ces résultats sont obtenus dans le cadre d’un modèle FRW. Peut-on concilier les observations avec un autre modèle et une constante cosmologique nulle ?
On peut également remarquer :
Que l’on raisonne à partir d’un échantillon très réduit de quelques dizaines de SN lointaines, et que La dispersion des résultats n'est pas négligeable
Que l’amplitude du phénomène étudié(@ 0.25 mag, 10 à 15% sur les distances) me semblent être du même ordre de grandeur que les incertitudes sur les observations .
W M et W L se positionnent dans un domaine encore assez large. Il faudrait pouvoir observer des SN en plus grand nombre et plus lointaines pour réduire les incertitudes.
En résumé
Il semble que l’on ait affaire à un univers où la constante cosmologique est positive et sa densité W L importante par rapport à celle de la matière et qu'il est en expansion accélérée.
Par ailleurs
D’autres observations et tout particulièrement celles du Fond diffus Cosmologique permettent de contraindre plus fortement les modèles.
Deux projets
SNIFS (Supernovae intégral field spectrograph) (Lyon 1)
Les données disponibles sur les SN sont insuffisantes et le but de SNIFS est de disposer d’observations spectroscopiques et photométriques complètes sur une centaine d’objets et de voir en particulier l'influence de l’environnement sur leur évolution.
SNAP (SuperNovae acceleration probe) (SCP)
Il s’agit d’un satellite destiné à découvrir et suivre plus de 2000 SN Ia par an, jusqu’à un z voisin de 2. Ceci permettra de réduire très fortement les incertitudes statistiques sur les paramètres cosmologiques.
RÉFÉRENCES
[1] Isobel Hook (ESO) La Recherche Hors Série n° 1 Avril 1998
[2] Robert Mochkovitch (IAP) Pour la Science Dossier Vie et mœurs des Étoiles Janvier 2001
[3] A. Riess et al (High-Z) : Observationnal Evidence from Supernovae for an Accelerating
Univers and
a Cosmological Constante Astronomical Journal astro-ph/9805201
[4] S. Perlmutter et al (SCP) :
Measurements of W and L from 42 High-Redshift
Supernovae
Astrophysical
Journal astro-ph/9812133
[5] P. Wondt : XIème Rencontres de Blois 1999 http://blois.in2p3.fr/Blois99/
[6] G. Blanc : Recherche et étude de Supernovae lointaines http://1.618.free.fr/
[7] R. Pain La Recherche mai 1999
[8] C. Hogan et al Pour la Science mars 1999
[9] BP Schmidt Mesuring global curvature and cosmic acceleration with
supernovae astroph/9805200
SITES INTERNET
[7]Alain Bouquet (Collège de France) Introduction aux supernovae
http://cdfinfo.in2p3.fr/Culture/Supernovae/
[8] High-Z
Supernovae Search Team
http://cfa-www.harvard.edu/cfa/oir/Research/supernova/home.html
[9] Supernovae
Cosmology Project www.supernova.lbl.gov
[10] Liens http://supernovae.in2p3.fr/~raux/
[11] SNIFS http://www-obs.univ-lyon1.fr/~snifs/
[12] SNAP http://snap.lbl.gov
Claude Picard
16 novembre 2002